QUELQUES UNES DES INTERVIEWS QUE J'AI PU DONNER AU COURS DES ANNEES ET QUE J'AI RETROUVEES...

INTERVIEW VIDEO BAGNEUX MARS 2009 (FESTIVAL ZONE FRANCHE)

Interview réalisée au salon du livre de Paris le 27/3/2010) par la radio l'Autre Monde (90.9 /FM) :
https://lautremonde.radio.free.fr/interview/ITW-Claire-PANIER-ALIX.mp3

 critique de SANG d'IRAH réalisée pour leur site :  ICI

 

John Lang m'a fait l'amitié de bidouiller cette présentation de mes romans à sa façon? EN 2010.

Je vous invite donc à rejoindre Duncan d'Irah et l'Elfe Jehor qui vous démontreront pourquoi il vaut mieux lire le roman plutôt que de tenter de le résumer... :-)

https://www.naheulbeuk.com/stuff/claire/audio-laplainedudragon.mp3

ou, en lien permanent :

 

https://panieralix.free.fr/images/audio-laplainedudragon.mp3

_____________________________________

 

KHIMAIRA No 23, juillet 2004

(Interview par Denis Labbé)

Au moment où ton troisième vient de sortir et ton premier d’être réédité pour la troisième fois, sans doute est-il temps de faire le point sur ton œuvre. Peux-tu d’ailleurs nous expliquer de quelle manière tu as imaginé ce monde plutôt original qui ressemble à une gigantesque partie d’échec ?
Parvenus au terme de cette aventure, mes lecteurs connaissent ma conception de la réalité. Ils savent qu’elle n’est pas ce qu’elle semble être, qu’elle est multiple, qu’elle est une, intérieure et gigogne, spirale sans fin, charade, infinie… Tous les mondes possibles et imaginables co-existent, générés par la pensée, la mémoire, le désir, le regret, le rêve, la foi, l’imagination. Le nôtre tout autant que Nopalep, Modar’Lach ou Balã. Tout cela flotte, vestiges d’une autre création mentale, elle-même… Bref, tout cela erre dans une sphère qui est peut-être le rêve d’un dieu, la mémoire d’un dragon, le scénario d’un auteur, ou le jouet simplissime d’une petite fille dont il excite l’imaginaire et l’envie d’être ailleurs, d’être quelqu’un d’autre. Si on accepte la réalité de l’Endomonde telle qu’elle était définie par l’Elfe Jehor dans La Clef des Mondes, ou celle de Génésistrine et des autres terres errantes évoquées dans Le Roi Repenti, on comprend ce qui m’a poussée à introduire le manuscrit maudit dans le Paris du XIXe siècle, ou un portrait de fillette venu de notre monde dans celui d’Heydrick, mon roi repenti. Le fantastique et ses terreurs ne touchent pas que nous, ici. Si l’on consulte les ouvrages de référence tentant d’explorer le sort de ce qu’il est convenu d’appeler les « Livres Maudits », il n’est jamais fait allusion à la Chronique Insulaire, le livre sacré du dieu-rêveur. Sans doute est-ce parce qu’une copie circule encore en ce moment, prudemment et fort judicieusement présentée par mon éditeur sous le couvert d’un roman de Fantasy : les Hommes en Noirs accusés par Jacques Bergier de consacrer leur existence à cacher la vérité et les ouvrages qui la dévoilent ne s’intéressent pas encore à ce genre-ci… Bergier, co-auteur du merveilleux « Matins des Magiciens » par lequel je découvris l’existence des continents vagabonds et des chutes de mannes de Charles Fort… Plus sérieusement (ou presque, ceci étant tout de même de la fantasy) j’ai prêté mon nom à cette forfaiture, car j’estimais que l’occasion était trop belle de faire connaître le contenu d’un de ces ouvrages au public de notre monde. Je pourrais te dire que j’ai trouvé ce manuscrit dans une vieille malle, dans une cave, dans un grenier, dans une enveloppe aveugle, dans ma boîte aux lettres ou dans un trou du jardin. La vérité est plus étonnante et réside dans les arcanes de l’écriture automatique. Evidemment, l’honnêteté souffrirait que j’évite de rappeler qu’il ne s’agit vraisemblablement pas du texte d’origine, maintes fois copié, traduit, commenté, perdu, retrouvé, reconstitué, réécrit, adapté aux temps, aux lieux et aux mœurs… Le récit de son histoire décousue se trouve dans les annotations. Pourtant, je n’en ferai rien car ce serait occulter le fait que la Chronique Insulaire s’écrit toute seule, et qu’il est probable que chaque exemplaire continue à manifester ses fantaisies en s’adaptant à ses lecteurs : j’ai pu constater, en discutant avec certains d’entre eux, m’efforçant de leur cacher les mouvements de plume indépendants de ma volonté traçant d’obscures dédicaces, que chacun avait eu une lecture différente de cette histoire. Cela allait bien au delà du choix de son personnage préféré, d’une appréciation du rythme ou d’une interprétation du récit : certains faits prenaient le pas sur d’autres tant et si bien qu’ils me semblaient avoir lu un autre roman que celui que j’avais tissé. Et c’était sans doute le cas.
Je sais l’intérêt que tu portes à l’œuvre de Tolkien. En quoi celle-ci a-t-elle été primordiale dans ta volonté de te lancer dans l’écriture ? Quels sont les autres récits qui t’ont inspirée ?
Elle ne l’a pas été. En fait, si Tolkien fait partie des auteurs qui me fascinent, l’emprise que son œuvre a pu avoir sur moi aurait plutôt eu tendance à m’éloigner du passage à l’écriture, et d’ailleurs, ce n’est pas lui qui influence le plus les pages de la Chronique Insulaire. On s’est laissé aller à le croire parce que mon premier roman est sorti au moment de l’engouement jacksonnien, parce que son nom est cité en 4e de couverture avec d’autres, et parce que j’avais contribué à plusieurs dossiers spécial Tolkien. Fantasy, dragons, petit peuple, une jolie couv, et l’assimilation fut rapide, avec l’absurde d’une comparaison. Il en a été de même avec McCaffrey à cause de mes dragons. Pourtant, Farmer et Herbert m’ont bien davantage accompagnée pendant ce voyage. J’imagine que le travail de délitement de la réalité fantasyste effectué sur le premier tome a compliqué les choses. Il m’a fallu prendre le temps de détricoter les clichés, que ce soit les figures habituelles ou les décors, pour mettre en place mes pions et mes différentes dimensions. Du coup, beaucoup se sont installés dans mes pages en se croyant en terre de connaissance, voyant des Elfes et des Dragons classiques là où de fait, la réalité et les enjeux étaient tout autres…
Puisque nous dévions sur les autres écrivains, que conseillerais-tu comme lectures à quelqu’un qui veut se lancer en douceur dans la fantasy ?
Oulalala. Je ne suis pas du tout bonne à ce jeu-là… Je déconseille vivement tout ce qui est littérature jeunesse calibrée, et l’idée d’entrée « en douceur » me perturbe. On va en rayon, en tripote, on feuillette, on lit des passages au hasard, et on se laisse happer par ce qui nous correspond. Moi j’ai grandi avec Farmer, Burroughs, Howard, Leiber, Tolkien, Moorcock, Vance, Swann, Tanith Lee, LeGuinn, Herbert, et je viens juste de découvrir Robin Hobb que j’aime beaucoup. Mais j’adore aussi Virgile, Meyrinck, Dumas, Leroux et Cyrano de Bergerac. Alors conseiller, ma foi…
Tu appartiens à cette jeune génération d’auteurs français de fantasy qui commencent à percer. Qui vois-tu à tes côtés et que peuvent-ils apporter à la fantasy bien engorgée par les écrivains anglo-saxons ?
Ça se désengorge (rire)… Petit à petit, les lecteurs se sont rendu compte qu’il y avait autre chose, et ils n’hésitent plus à mettre le prix dans les moyen format auxquels nous sommes encore cantonnés, plutôt que dans des bouquins qu’il leur semble avoir déjà lus. Je pense que la culture française, la langue et le bagage historique et littéraire, nous amènent à tisser des histoires un peu différentes, qui surprennent, dans des domaines aussi éloignés que moi avec mes mondes flottants et mémoriels et les livres déjantés mais acérés de Catherine Dufour. Par ailleurs, je ne veux pas parler pour les autres mais il me semble que le fait même de devoir faire nos « preuves » face aux écrivains anglo-saxons dont tu parles, est tout à fait stimulant au niveau de l’imagination. Ne pas refaire la même chose, ne pas réutiliser les décors et les clichés éculés qui ont fini par ligoter et limiter un genre par définition sensé repousser les limites de l’imaginaire et de la fantasmagorie. Il est difficile désormais de sortir du médiéval-fantastique ou de la high-fantasy tolkienienne… Parce que les lecteurs sont conditionnés par des images. Une anecdote ? un critique m’a reproché d’avoir des Elfes aux oreilles pointues… Eh bien mes Elfes n’en ont pas, et si on les regarde attentivement, ce sont plus des Hobbits apprentis-sorciers que des Sindari ! (rire)
Ta Chronique insulaire plonge au cœur de la magie, présentant un monde de fantasy à la fois épique et féerique. Pourquoi choisir la fantasy pour explorer les méandres des oppositions humaines et non pas un roman d’éducation classique ?
Parce que mon propos n’était pas d’éduquer qui que ce soit (quelle idée !), mais de tracer une grande parabole sur la création et la mémoire. La magie n’a pas autant de place chez moi que tu le suggères. L’un des mondes dont il est question est culturellement « magique » (il sombre d’ailleurs dans le scientisme plus tard), c’est tout, mais la magie est impuissante (je suis allergique au « pipilipi-abracadabra »). Elle apporte une touche enfantine à mon univers, montrant un monde passé, révolu, sans doute idéalisé, celui des légendes, celui qu’il faut préserver à tout prix même si c’est vain et mortifère. Quant aux oppositions humaines, il s’agit avant tout d’initiation par l’introspection. D’ailleurs, dans le 2e tome, la magie est remplacée par une vision plus shamanique des choses.
Que signifie pour toi toute cette magie que tu distilles dans tes pages ? A-t-elle un rôle symbolique ou doit-on la prendre au pied de la lettre ?
On fait comme on le sent. C’est aussi une question de point de vue : pour les gens d’Hyriance, elle est réelle mais un peu dépassée. Il s’agit de savoirs hypothétiques, anciens, qu’on voudrait transmettre aux jeunes générations. Au final, cela se limite souvent à la connaissance des simples, à l’observation et l’écoute de la nature, et à quelques tours d’illusionnisme. Une crainte respectueuse, ancestrale, entoure « ceux qui savent », ces vieux mages épuisés, laminés. Mais c’est vers les dieux qu’on se tourne, comme toujours, avant de se décider à agir par soi même…
Liés à la magie, les dieux sont aussi présents dans ton univers. Pourquoi choisir de mettre en place un monde polythéiste ? N’est-ce pas, comme la magie, les elfes, les dragons, une sorte de conservatisme qui représente un retour en arrière pour l’humanité ?
Ton vieux dada qui revient, Denis… Ma foi (sans mauvais jeu de mot) je ne peux guère répondre à ta question sans dévoiler certaines révélations esquissées dans La Clef des Mondes et développées dans le Roi Repenti. Il faut simplement s’entendre sur ce qui se cache derrière les mots et les croyances. Je suis sans doute une déesse toute puissante et malfaisante pour le cafard que je pulvérise avec un aérosol… Tu prends la question sous le mauvais angle : ce qui m’intéresse n’est ni l’humanité, ni le monde, ni le polythéisme. Ce qui m’intéresse, c’est le microcosme, et le macrocosme. L’origine des mythes – et des religions. Je me suis toujours passionnée pour Dumézil et ses théories indo-européennes. Mes dragons sont fortement symboliques, ce ne sont pas des créatures, des personnages. Ils ne figurent pas sur l’échiquier. Ils détiennent les réponses à toutes les questions, car ils sont la mémoire de tout, dieux compris. Ils étaient déjà là, seuls, quand ces derniers sont venus. Alors, des créatures venues d’ailleurs, suffisamment intéressantes pour laisser une empreinte indélébile, divine, dans la mémoire des dragons qui les présentèrent ensuite comme des dieux aux suivants, est-ce du conservatisme ? Je ne veux pas rentrer dans le débat selon lequel la fantasy, disons le légendaire, est passéiste et « infantilisant », alors que la science-fiction va de l’avant. Mon propos dans la Chronique Insulaire, est de m’interroger sur la réalité de ce qui nous entoure, sur la réalité de ce que nous avons à l’intérieur, que ce soit notre mémoire propre ou notre inconscient collectif. Quand je médite, quand je lis, quand j’écris, quand je dors, je donne corps à des réalités infiniment plus vastes et porteuses de sens que celle dans laquelle je suis. Qui plus est, je m’y rend, en pensée. Nous avons tous expérimenté cela en nous remémorant notre enfance (alors tout est plus brillant et plus grand et plus porteur que la réalité telle que nous la vivions en direct) ou en lisant un bon bouquin : cette sensation, à peine consciente, de ne plus être dans notre corps, dans notre monde, mais dans celui qui prend vie dans notre esprit. Machines et technologie cadrent mal avec la vision plus « mentale » de mon roman, c’est pourquoi j’ai choisi d’amorcer les choses dans un contexte légendaire (d’autant que je suis historienne de formation, pas mathématicienne) : nous sommes bâtis là-dessus, et nous avons besoin de cet aspect « spirituel », « mystique », intime de la réflexion pour avancer. C’était le cas à l’aube de l’humanité, et ce sera toujours le cas à son crépuscule. Il n’est pas question de « conservatisme » ou de « recul » là-dedans. Il s’agit d’une spécificité humaine. D’ailleurs, mon questionnement sur la nature profonde de ce qui nous entoure et de ce que nous sommes, n’est pas si éloigné de celui des scientifiques actuels concernant l’univers.
De la même manière, l’onirisme est au cœur de ce monde dont le narrateur semble vouloir trouver l’origine. Quelle part accordes-tu au rêve dans ta vie et dans ton écriture ?
À part le premier volume en grande partie encore relié à la vie extérieure, mes personnages et mes champs d’action se passent dans des sphères mentales, quelles soient mémorielles, mortifères, spirituelles ou oniriques. Peut-être n’existons-nous que dans et par le rêve de Dieu, a dit quelqu’un. Mais qui rêve Dieu ? et qui fait ces atroces cauchemars ? mon roi se repend d’avoir perdu tant de temps à s’interroger au lieu de faire ce qu’il était sensé faire.
Puisque l’on parle d’Einär, comment construis-tu les patronymes et les toponymes de tes romans ?
Ils viennent spontanément.
Je vais un peu m’écarter de tes écrits pour aborder le sujet des illustrations de tes romans qui sont signés Luis Royo. Est-ce que tu accordes beaucoup d’importance à ces couvertures ? Comment les as-tu choisies ?
Ma foi, l’Echiquier d’Einär était mon premier roman publié, et je crevais de trouille. La vérité était que je ne voulais pas tant que cela être publiée, et que j’étais incapable de supporter l’idée d’une couverture reflétant une vision de mon monde ne correspondant pas à la mienne. J’ai un éditeur formidable, qui a compris tout de suite qu’on n’en verrait pas le bout, et qu’une couverture ne collant pas au bouquin lui serait aussi dommageable qu’une couverture laide ou simplement commerciale. Cette superbe fresque de Luis Royo s’est imposée d’un coup : Nestiveqnen me l’a envoyée par mail, avec leur flair que j’ai appris à connaître depuis, et j’ai flashé. Elle aplanissait tous les écueils d’un coup : sans représenter une scène du roman, elle en reflétait parfaitement l’ambiance, et en cela elle me correspondait, faisant écho à l’atmosphère de mon texte tout en représentant deux des éléments les plus importants : le dragon et la caverne. En même temps, elle est magnifique, pour attirer l’attention du lecteur sur un énorme pavé un peu cher signé par une inconnue ! Les deux suivantes se sont imposées toutes seules, pour que la trilogie ait son unité. Je les aime beaucoup, elles font leur office de packaging, elles ne sont pas tape à l’œil mais franchement belles et fines, et donnent envie d’ouvrir le livre si j’en juge la réaction des gens dans les salons… C’est tout ce que je leur demande.
Alors que ton troisième roman doit bientôt paraître (peut-tu nous donner la date approximative de sa sortie ?), ton deuxième est nommé pour un prix. Quel effet cela te fait-il d’être en quelque sorte reconnue pour ton travail ?
Le dernier volume est sorti début avril. Je travaille en ce moment sur un roman annexe dont il a été plusieurs fois question au cours de la trilogie, Sang d’Irah, se passant en dehors de la Chronique Insulaire, et donc des champs « intérieurs » dont j’ai longuement parlé tout à l’heure. Il s’agit d’un roman d’heroic fantasy traditionnel racontant les aventures de Duncan d’Irah avant son arrivée sur l’échiquier. Parallèlement, je suis complètement immergée dans un roman purement fantastique. Pour ce qui est de la nomination de la Clef des Mondes l’an dernier au Prix Merlin (premier tour), j’avais déjà eu ce plaisir l’année précédente avec l’Echiquier d’Einär. C’est très rassurant et valorisant pour ce type d’ouvrage peu conventionnel, qui plus est d’un jeune auteur, car il s’agissait pour ce premier tour d’un vote du public. Etre classée les deux fois parmi les 5 meilleurs romans de fantasy francophone parus dans l’année, je ne te le cacherai pas, ça m’a fait plaisir mais ça m’a surtout encouragée à poursuivre. Je fais partie de ces auteurs bileux qui se posent pleins de questions, alors même si je n’ai pas eu le prix au final (la concurrence était vraiment trop rude) je ne peux qu’être reconnaissante à ceux qui m’ont sortie par deux fois de la masse…
Tu es éditée par Nestiveqnen qui est une petite structure, aujourd’hui basée à Aix-en-Provence. En quoi est-ce plus simple ou plus difficile de travailler avec une telle maison d’édition qui ne possède pas les mêmes épaules qu’un gros éditeur et qui vient de s’excentrer ?
Curieuse question. Je ne sais pas ce que c’est que de travailler pour une grosse structure. Ma foi, j’ai d’excellents rapports avec l’équipe de Nestiveqnen. Ils bossent énormément, ils ont la sagesse de savoir rester concentrés sur leurs objectifs et sur leur passion envers et contre tout, et leurs choix ont jusqu’à présent toujours été judicieux. En ce qui me concerne, j’aime travailler avec eux. Ils me laissent faire, sont disponibles quand j’en ai besoin, et ouverts à la discussion. La distance n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est qu’ils sont là, vigilants, que leurs suggestions et autres conseils m’ont toujours été précieux, et que nos rapports ne se limitent pas au business. Ce qui compte pour eux comme pour moi, c’est le texte. Par ailleurs, la taille de la structure n’a pas vraiment d’importance si la distribution est bonne, et au vu des rééditions je n’ai pas à me plaindre.
Est-ce qu’à la manière du titre de ton premier roman, tu conçois ta carrière d’écrivain comme une partie d’échecs ? Et si oui, contre qui ?
Pas du tout, je ne comprend même pas ta question… L’idée de carrière me dépasse de loin, alors celle de jouer contre quelqu’un………. Par contre, c’est une véritable partie que je joue face à moi-même. Pour chaque ligne écrite, je gagne autant que je perd, mais le temps passé à préparer le coup est toujours jouissif.
Pour terminer, je vais te proposer le questionnaire de Pivot :
Ça c’est la consécration ! (rire)
Quel est ton mot favori ?
ailleurs
Celui que tu détestes ?
fini
Quel est ton juron préféré ?
Quelle conne !
Quel est le son ou le bruit que tu aimes ?
J’oscille entre le ronron du chat et le glouglou-pschitt de mon percolateur
Celui que tu détestes ?
Le klaxon des voitures
Quel métier, autre que les tiens, voudrais-tu exercer ?
Archéologue
Celui que tu ne voudrais pas exercer ?
Critique
Si le paradis existe, qu'aimerais-tu que Dieu te dise en passant la porte ?

Viens mon petit : ils t’attendent tous avec tant d’impatience !

________________________________________

Interview Khimaira : 2e partie en ligne (juillet 2008)

 

La talentueuse Claire Panier-Alix est l'auteur des Songes de Tulà, nouvel opus de l'excellente collection jeunesse des éditions Mango, Royaumes Perdus ; l'occasion pour Khimaira de lui demander son ressenti sur l'expérience.

 

  • Etes-vous prête à écrire un nouveau roman jeunesse ou une fois a-t-elle suffit ?

 

Ma foi j’y travaille en ce moment même, mais en dehors du format court un peu frustrant pour moi, même s'il s'agit simplement d'une approche différente du récit, je ne vois pas vraiment ce qui différencie le roman jeunesse du roman de fantasy adulte. Bien sûr, le rythme et la façon d’amener les choses ne sont pas les mêmes, mais je crois que cela ne tient pas à la classification «jeunesse » elle-même, plutôt à ce qui différencie un roman d’un autre. Je veux dire que chaque projet est particulier et répond à un cahier des charges spécial qui tient compte du lectorat auquel on s’adresse, oui, mais surtout à l’histoire qu’on veut raconter, à l’ambiance, à la tessiture du roman qu’on a en tête. En ce sens, oui, je suis en train d’écrire un roman que je destine à une collection jeunesse, mais je n’adapte pas mon écriture à cette étiquette. J’écris un roman, « tout public » dirons-nous, et contrairement aux à priori que j’avais avant l’expérience Mango, je n’abaisse ni mon niveau de langue ni le fond que je compte traiter. Je dois simplement être un peu moins prolixe que je le suis d’ordinaire, et resserrer l’intrigue.

 

  • Vous confessiez il y a quelques années avoir besoin de place pour vous exprimer. Le format des songes de Tulà (190 pages) a-t-il été un défi ? Une contrainte forte ?

 

Oui, je viens d’évoquer la question. La difficulté quand on a ce type de contrainte, c’est d’aller à l’essentiel et de ne pas disgresser. Jusqu’à présent, j’écrivais des romans gigognes. Néanmoins, une fois la chose intégrée, on voit bien que la taille n’a rien à voir avec la qualité intrinsèque d’une histoire. Je parle là du point de vue de l’écrivain. L’évasion, le souffle, l’aventure, tout peut passer, seule la ligne directrice change. Dans Les Songes de Tulà, l’histoire est certes infiniment moins complexe que dans mes précédents romans, mais le but n’était pas le même.

 

  • La position des dieux est ambiguë dans votre roman, ils se révèlent pour le moins "inhumains" ; que souhaitiez-vous faire passer ?

 

Pour le moins inhumains ? Eh bien, ce sont des dieux, quoi… (rire). Et je trouve qu’ils ne sont pas si différents des hommes, finalement. Je n’ai rien souhaité faire passer, sinon un aspect important de ce monde perdu : leur panthéon. J’ai juste dû me limiter à une petite poignée de divinités, faute de temps et de place. Le cas du Serpent à Plumes était particulier. C’est un dieu qui meure régulièrement pour que les Hommes vivent. Alors, je me suis demandé ce qui pouvait motiver son choix, ce qui pouvait le pousser à souffrir autant pour des créatures aussi insignifiantes. Le mettre dans une peau d’homme et lui faire goûter ce que les humains ont de plus précieux, ce que lui n’a pas… En quoi un homme peut être supérieur aux yeux d’un dieux au point de le rendre jaloux de sa triste condition de mortel ?

 

  • Vous tenez un blog (claire-panier-alix.blogspot.com), un moyen de vous tenir plus proche de votre lectorat ?

 

C’est plus vivant qu’un site et plus facile à tenir à jour. Mais je n’y attends pas de commentaires, c’est plus une page d’information. En général, le gens m’envoient des mails, curieusement ils préfèrent avoir l’impression d’une conversation privée. Un blog, ce n’est pas intime. Et comme je ne l’utilise pas pour donner mon avis sur des faits de société ou me prendre pour une éditorialiste, ça n’a guère d’importance. En fait, je suis incapable de vous dire pourquoi je tiens ce blog, ni pourquoi des gens viennent régulièrement lire mes petits billets à part pour annoncer telle parution ou telle dédicace, ou évoquer ceux de mes centres d’intérêts pouvant influencer mes projets d’écriture (lectures, voyages...)

 

  • En parlant de lectorat, vous allez en gagner un nouveau avec Les songes de Tulà, vous qui définissez vos textes comme "des récits d'aventure épique réservés à un lectorat adulte aimant allier le fond et la forme". Qu'attendez-vous de la rencontre du public pré-ado et ado ?

 

Qu’ils s’amusent, qu’ils voyagent, qu’ils s’intéressent à plein de choses. Je défends la fantasy, mais je monterais au créneau avec le même enthousiasme pour la littérature populaire en général, et pour une curiosité humaniste tous azimuts. Je crois savoir que depuis quelques temps il est de bon ton d’être engagé quand on écrit ; d’avoir un message à faire passer. Moi je n’en ai pas vraiment, encore moins en littérature jeunesse. J’aime écrire, c’est toute ma vie. Chaque projet est différent, dans ses motivations, sa tonalité, sa forme. Je crois que le roman, c’est de l’évasion et de la stimulation. Je n’ai aucune leçon à donner, je prends mon pied en racontant des histoires, j’essaie de le faire de la façon la moins frustrante possible pour moi, et ma foi, si les lecteurs y trouvent du plaisir et l’envie d’aller plus loin…

 

  • Prochaines parutions en vue ?

 

On ne vend pas la peau de l’ours… Je peux juste dire que j’ai quatre projets sur le feu, très différents les uns des autres, dont le dernier volet de Sang d’Irah, l’étendard en lambeaux, promis à Nestiveqnen.

 

Propos recueillis par Jacques-Erick Piette

 

Retrouvez la suite de l'interview dans notre numéro de Juillet

La 2e partie de l'interview parue dans le n°15 de Khimaira (juillet 2008) en ligne sur le site de la revue : ICI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

INTERVIEW : Phenix Mag 14

 




téléchargeable sur :


https://www.phenixweb.net/Numero-14

 

 

 

 

 

_______________________________________

 


Interview ATEMPOREL.COM (mai 2006)

Atemporel : Sang d'Irah est un récit très prenant et bien écrit. Quels sont vos « pères » en écritures, de quels auteurs avez-vous appris ? Depuis quand écrivez-vous ?
Claire PANIER-ALIX : Quand je lis un roman et qu’il me fascine, j’admire son auteur, et comme je suis de nature complétiste, j’ai tendance à rechercher tout ce qu’il a écrit. Si, en en faisant le tour, je reste fascinée, je m’intéresse à sa démarche d’écriture, aux thématiques qu’il approche, à ce qu’il en dit. C’est le cas de peu d’auteurs. Mes favoris restent Tolkien, Herbert, Meyrinck, Farmer, K Dick. Mais là, je suis obligée de trahir ma bibliothèque en oubliant tous ceux qui ont contribué, au fil de mes lectures depuis 25 ans, à façonner mon ciboulot, mes centres d’intérêt et ma plume. J’aime les mots, la langue, la musicalité, l’interligne… Je ne sais pas d’où cela vient, ni si je l’ai acquis de mes auteurs préférés ou si j’ai aimé ces derniers parce qu’ils répondaient à ce besoin. Un texte, c’est le fond et la forme, de façon indissociable et parfaitement équilibrée. J’ai écrit mon premier roman vers 14 ans. J’en ai 36. Sans commentaire sinon que cela ne signifie pas grand chose. Je n’ai vraiment eu le sentiment de progresser et d’approcher (la notion est importante) de la satisfaction (fond/forme) qu’après mon travail sur mon second roman publié, La Clef des Mondes, et cela grâce au professionnalisme et à la patience de la directrice littéraire des éditions Nestiveqnen, Chrytell Camus, et à Nicolas Cluzeau qui m’avaient aidée à appréhender les corrections nécessaires au tome précédent, un « premier roman » que j’espère avoir l’occasion de réécrire un jour. Et j’ai pris un pur pied d’écriture, c’est-à-dire en bossant consciemment et en cours d’écriture (donc pas au moment des corrections, si vous voyez ce que je veux dire) qu’avec le suivant, Le roi repenti, qui reste à ce jour mon préféré. Sang d’Irah, de facture plus classique, a une trame autrement moins complexe, c’est un roman « arthurien », un roman d’aventure et de geste avec des personnages hauts en couleur et attachants, mais cela ne veut pas dire qu’il a été plus facile à écrire, justement parce qu’il fallait cacher la complexité des caractères, des faits et de leurs implications sous une trame apparemment anodine. Cela, c’est l’immense Philip José Farmer qui me l’a appris… Je crois.

Atemporel :Le texte est très documenté pour la partie "réaliste". Vous avez fait une maîtrise d'histoire médiévale; sur quel sujet portait votre mémoire ?
CPA : Oh là ! rien à voir, j’ai bossé sur les dépenses somptuaires de ce bon vieux Philippe Le Bel, vous savez, l’inventeur de la fausse monnaie… Je passe beaucoup de temps à me documenter, et beaucoup de plaisir, aussi. Sur toutes sortes de sujets, d’ailleurs. Je suis un peu comme une éponge, et j’accumule des tonnes d’informations qui me serviront peut-être un jour. Et quand j’ai un besoin particulier pour une scène, je m’efforce de satisfaire tout le monde : certains lecteurs se fichent de savoir si c’est vraisemblable, ils suivent le récit et s’amusent. D’autres au contraire sont exigeants, et je suis de leur avis. Il faut de la cohérence, de la rigueur, même (voire surtout) dans un récit imaginaire. Et ces informations ne doivent pas peser sur le texte, mais l’enrichir, servir au semis d’indices, parfois. La documentation en amont, quand on écrit, c’est primordial. Mais je crois devoir rappeler qu’elle doit s’efforcer de servir le roman, pas de l’alourdir (vous connaissez les travers de Verne avec ses énumérations de poissons dans 20 000 lieues sous les mers) Évidemment, pour ceux que cela intéresse, pour la partie médiévale (architecture, armement, équipement divers etc..) il n’y a qu’une bible, l’énooorme encyclopédie médiévale de Viollet Le Duc… Et une lecture assidue des chroniqueurs des Croisades, par exemple, pour les techniques de guerre.

Atemporel : Qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans l'histoire médiévale ?
CPA : Il se trouve que j’ai orienté mes études de ce côté à une époque, parce que mon directeur de recherche était médiéviste. Personnellement, s’il fallait choisir, je serais plus proche de l’antiquité. Mon approche de l’Histoire est plus globale, je m’y intéresse parce qu’elle permet de comprendre le présent, et le futur qui se profile : c’est une chaîne. D’ailleurs, si vous examinez attentivement mes romans, vous verrez qu’il ne s’agit pas de « médiéval fantastique » comme on qualifie une certaine branche de la fantasy moderne. L’Asie Mineure, l’Egypte ancienne, les Mayas, la Scandinavie des Eddas, le(s) folklore(s), la France des Siècles Modernes et j’en passe, hantent mes histoires. Il est probable que l’intérêt marqué des lecteurs pour la famille d’Irah, d’inspiration « moyen âge occidental » celle-ci, fait que c’est cet aspect dont on parle le plus. Elle fait partie de nous, elle se plaque sans même qu’on le veuille sur nos légendaires contemporains.

Atemporel : L'illustration de Luis Royo choisie pour la couverture de Sang d'Irah recèle un symbole templier. Loin de la mode de l'Enigme sacrée ou du Da Vinci Code, et davantage dans une mouvance JRR Tolkien ou Frank Herbert, êtes-vous du genre à truffer vos créations de clins d'oeil ?
CPA : Je déteste Dan Brown. Il écrit mal, il prend son lectorat pour un c…, et il ment. Aucune révélation dans son DVC, aucune surprise, et plein d’incohérences. Un roman rédigé comme un soap et qui a bénéficié d’un battage médiatique sans précédent qui l’a prévendu. Ce qui va suivre n’a strictement rien à voir avec mon travail d’auteur, mais comme vous posez la question : je ne fais pas partie d’une mouvance, mais je suis passionnée par le fortéanisme (Charles Fort, Le livre des Damnés et Bergier/Pauwels, Le matin des magiciens : je vous renvoie à un moteur de recherche pour savoir de quoi il s’agit) et cet intérêt s’est traduit par les trois volumes de La Chronique Insulaire. Ces sujets sont des tremplins fabuleux pour mon imaginaire. Les continents vagabonds qui errent au-dessus de nous, entre deux espaces-temps, et qui génèrent les chutes de mannes ou les pluies de grenouille, par exemple. Ou encore le paranormal sous toutes ses formes. Barjoteries ou croyances, peu importe ce que j’en pense vraiment, ce qui compte c’est ce que je suis amenée à en faire. De ce fait, pour ceux qui s’intéressent à ces phénomènes et à leur poésie, à la métaphysique et à l’eschatologie, oui, mes textes sont truffés d’allusions, de clins d’œil, et pour certains, il y a une double, voire une triple lecture possible qui a pu perturber les amateurs de Terri Brooks ou de Gemmel (rire). Mais Sang d’Irah, comme je le disais plus haut, n’entre pas dans ce cadre. Le deuxième volet, ce sera une autre histoire…

Atemporel : Vous êtes souvent en dédicaces et donc en contact avec votre lectorat. Sang d'Irah a été en partie écrit en réponse à une demande de vos lecteurs. Quels liens appréciez-vous particulièrement avec vos lecteurs, et lectrices ? Avez-vous des attentes particulières vis-à-vis du net à ce sujet ?
CPA : Je les adore. Ils m’ont terrifiée pendant longtemps (la parution de mon premier roman, l’Echiquier d’Einär, fut un calvaire. On me volait mon bébé, on allait médire, on n’allait pas comprendre, bouhhhh…). Mais quand j’ai reçu les premiers retours, quel bonheur. J’aime rencontrer des lecteurs, parce qu’ils m’apprennent des choses sur ce que j’ai écrit, parce qu’ils rechargent mes batteries (je suis une bileuse, de ces auteurs pleins de doutes qui s’auto-flagellent sans cesse), et parce qu’ils donnent vie aux romans. J’aime recevoir leurs mails, discuter avec eux, etc.. Les dédicaces, c’est autre chose. Il y a les lecteurs qui se déplacent pour me rencontrer, qui connaissent les romans et veulent m’en parler, me dire ce qu’ils y ont trouvé, ce qui les a perturbés, ce qui les a fait voyager, ceux qui veulent connaître la suite. Il y a aussi et surtout ceux qui ne connaissent pas, et qui me sortent la question à 100 euros : « ça parle de quoi ? » ou encore « ça ressemble à quel auteur ? » (traduire : « par rapport à Tolkien, ça vaut quoi ? »). Me dépatouiller avec ça, c’est une gageure croyez-moi, parce que parler de soi et ce que l’on fait, c’est déjà très difficile, mais le faire sans dévoiler l’intrigue et sans sacrifier son humilité… Bref, j’aime rencontrer les gens, échanger. Je leur donne une grosse partie de moi en leur confiant mes histoires, et eux me récompensent au centuple en se déplaçant ou en m’écrivant pour me dire qu’ils ont été touchés. Car après tout, on peut vendre des millions d’exemplaires, cela ne veut pas dire que les millions de lecteurs auront apprécié, pas vrai ? (rire)

Atemporel : Comment voyez-vous votre contribution littéraire, avez-vous d'autres perspectives ou projets ? Travaillez vous en lien avec d’autres auteurs ?
CPA : Je ne vois rien. Que je sois ou non publiée, cela ne change pas le fait que j’écrive (toujours fond/forme). Une contribution littéraire ? Je n’ai pas cette prétention. Par contre, il est vrai que la jeune école française, s’il faut la qualifier, contribue à donner de la profondeur à un genre qui a beaucoup souffert de son succès ces dernières décennies. Pourvu que cela dure, mais la tendance est tout de même à combiner la langue et l’originalité, à tenter de sortir des clichés, des « incontournables » histoires cousues de fils blancs, maintes fois rabâchées, aux décors usés qui ne dépaysent plus… Pour moi, la fantasy fait échos à l’inconscient collectif, mais aussi à l’inconscient tout court. Il y est question de fantasme, si l’on prend la définition freudienne du terme « fantasy ». On confond trop souvent fantaisie, légende et fantasy. Tolkien disait qu’il n’écrivait pas de la fantasy, mais de la sub-création. Je suis d’accord. La fantasy, c’est ailleurs, autrement, sans technologie moderne. Ce n’est pas un moyen-âge revisité à la sauce perlimpimpin. Ce n’est pas non plus de la légende (c’est pour cela que je précise que pour moi, Sang d’Irah est un roman arthurien, alors que la Chronique Insulaire et ses passages de porte, c’est de la fantasy). Ma fantasy, ce serait une sorte de mythologie moderne, fantastique. On a pris trop souvent l’habitude de l’enfermer en Middle-Earth (et les dieux savent combien je l’aime, la Terre du Milieu.) Philippe Monot, Charlotte Bousquet et surtout Nicolas Cluzeau sont dans cette nouvelle mouvance, alliant une maîtrise de la langue et un imaginaire qui transporte ailleurs, qui surprend, qui fait du bien. Moi, quand je lis de la fantasy, j’aime à croire que je ne suis pas en terre de connaissance. Si je cherchais autre chose, je jouerais à D&D, ou je relirais les légendes arthuriennes. C’est pourquoi j’abats le décor, je le supprime, je gomme jusqu’à l’horizon lui-même dans « Le roi repenti », pour révéler toute l’ampleur de(s) la réalité(s) fantasyste. J’ai envie depuis longtemps de faire un 4 mains, mais j’ai encore un rapport trop intimiste avec mon clavier pour que cela soit supportable par un co-auteur, ou que cela soit productif (rire). Mais c’est une idée qui me taraude, notamment pour l’écriture d’un scénario de BD. Reste à voir si j’en ai la capacité.

Atemporel : Quelle est votre définition du fantastique ?
CPA : L’intrusion d’un phénomène « anormal », extraordinaire, d’ordre « épouvante » ou « magique » dans la réalité. Reste à définir « la réalité », ce qui est une question de point de vue, littérairement parlant. En introduisant l’insectoïde dans la réalité de l’île des mages Modarlach, dans « Le roi repenti », j’ai délibérément fait en sorte que « du point de vue » de mes personnages, ce roman soit un roman fantastique. Et ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles je disais tout à l’heure que mes romans étaient de la « mythologie fantastique ». De même, dans Sang d’Irah, l’arrivée du pirate Nicolas de Talmont, tout droit venu de la France de Louis XIII, est un élément d’ordre fantastique sur Nopalep. L’anormalité ne vient pas des trolls lycanthropes, mais des pirates français. La réciproque serait valable. De nos jours, les genres sont étiquetés, empaquetés, cloisonnés ; Pourtant, de plus en plus, ils s’interpénètrent, et c’est bien.

Atemporel : Une interview, c'est aussi une rencontre, avez-vous quelque chose d'autre à nous dire, à partager ? Un scoop sur votre prochain romain ?
CPA : Oh il n’y a pas de scoop : je travaille sur « Sang d’Irah II : l’étendard en lambeaux », dont le prologue est en ligne sur mon site, et je commence un nouveau roman, qui me tarabuste depuis plusieurs années, qui sera un hommage aux romans populaires et aux feuilletonistes du XIXe, combinant le Paris de Vidocq et l’âge de bronze. Mais c’est un secret…

[ Téléchargez le texte intégral de l'interview de Claire PANIER-ALIX ]
Format PDF - 97ko

Les livres de Claire PANIER-ALIX chroniqués sur Atemporel.com
- Sang d'Irah
- L'Echiquier d'Einar
- Le Roi repenti



Laurent Delin

________________________________

INTER VIEW WHOHUB : 2009

 

Interview : FANTASTINET, JANVIER 2006

Par Allan le 5 janvier 2006 
 

Réalisée par :mail
Date :janvier 2006
A l’occasion de la sortie du premier volume de Sang d’Irah aux éditions Nestiveqnen, Claire a accepté de nous mail-rencontrer

Claire bonjour et merci d’avoir accepté à répondre à quelques unes de nos questions à l’occasion de la sortie du premier volume Sang d’Irah Chez Nestiveqnen.

Allan : Avant toute chose, étant donné que la période est propice, je tenais à te demander ce que l’on pouvait te souhaiter pour cette nouvelle année ?
Claire : Une bonne continuation, pardi !

Allan : Alors, tu as déjà fait parler de toi à l’occasion de ta première trilogie, « Les Chroniques Insulaires » mais j’aimerais néanmoins que tu te présentes un peu notamment ton parcours…
Claire : Historienne de formation (médiéviste), j’ai grandi en chipant les romans de mes aînés, que ce soient des classiques, des FN anticipation, de la SF ou de la fantasy. Je suis très éclectique dans mes goûts, et tout, à priori, m’intéresse. En fan du Livre des Damnés de Charles Fort, et du Matin des Magiciens de Bergier et Pauwels, je lis essentiellement des essais désormais, que ce soit philo, histoire, anthropologie, mais aussi des « barjoteries » : paranormal, cryptozoologie, parasciences, histoire (archéologie) mystérieuse etc.. Autant de tremplins à mon imaginaire.

Allan : Quels sont les auteurs anciens et les plus récents desquels tu te sens le plus proche au niveau de l’écriture et quels sont ceux qui ont fait grandir ton goût pour la fantasy ?
Claire : Cela dépend de quoi tu parles. En écriture, j’ai subi toutes sortes d’influences, que ce soit au niveau de la démarche, des thématiques, de la structure, de la technique, du style. Des influences inconscientes qui répondaient à des envies. Ce serait trop long de citer tout le monde, et d’ailleurs je ne m’en sens pas capable, et très restrictif de n’en évoquer qu’une poignée. Il est notoire que je suis tolkieniste, que je baigne dans les romans de Farmer depuis toute petite, et que j’ai beaucoup fréquenté les Eddas. Mais j’aime aussi passionnément Potocki, Meyrinck, Cervantès, Cyrano de Bergerac (le vrai comme celui de Rostand), Moorcock, Silverberg, Maurice Renard, Herbert, Conan Doyle, Dumas et Eugène Sue (ah ! les Mystères du Peuple !), Baudelaire… Comme tout le monde, je suis façonnée, stylistiquement, par tout ce qui m’a imprégnée jusqu’alors, et c’est très certainement en constante évolution. Pour ce qui est de la fantasy en elle-même, mes études de médiéviste puis ma passion pour Tolkien et les arthuriens sont sans doute à l’origine de ce choix. Mais dans tous les cas, je n’adhère pas à l’étiquetage actuel, qui la cantonne à quelques clichés incontournables, à des stéréotypes horripilants. D’où la Chronique Insulaire. Pour ma part, et sans doute à cause du florilège de noms évoqués ci-dessus et qui ne rend pas hommage au cortège de mes amis littéraires, les littératures de l’imaginaire et tout particulièrement la fantasy, se doivent d’être créatives, sans cesses renouvelées, surprenantes, moyens d’immersion dans l’ailleurs, le rêve ou le cauchemar. Point barre. Aujourd’hui on l’a codifiée, étouffée, et bien souvent, même si on prend du plaisir en lisant, on a trop souvent l’impression de connaître l’histoire, les personnages, de savoir ce qui va arriver, d’être déjà passé par là. Ce n’est plus de la fantasy, c’est du légendaire arpentant Middle-Earth.

Allan : As-tu rencontré des difficultés à te faire éditer ?
Claire : Non. C’est même allé un peu trop vite à mon goût, à l’époque. Je n’étais absolument pas prête. J’ai envoyé mon manuscrit sur un coup de tête, par défi vis à vis de ceux qui ne comprenaient pas que je passe autant de temps à n’écrire que pour moi. Et toc, retour de courrier quelques jours plus tard, et panique à bord ! (rire) Mon exemple n’est guère représentatif… Je précise qu’ensuite Chrystel Camus et Nicolas Cluzeau ont fait un boulot fabuleux pour m’aider (m’amener) aux corrections et réajustements sur le mastodonte qu’était l’Echiquier d’Einär, mon premier roman. J’ai énormément appris grâce à eux, sur le travail d’écrivain, et sur le travail sur soi.

Allan : Passons maintenant à l’histoire de Duncan d’Irah et à ce second cycle : qu’est ce qui t’a poussée à te replonger dans les aventures de Nicée, Irah et Orkaz ?
Claire : En fait cette histoire pré-existait à la Chronique Insulaire, mais elle méritait une rédaction plus affinée. Beaucoup de lecteurs l’ont senti, car les personnages étaient conditionnés par leur passé. On m’a réclamé la vie de Duncan, on voulait le voir agir, lui qui, en tant que spectre, assistait à l’aventure sans pouvoir intervenir. On a voulu en savoir davantage sur les Trolls lycanthropes aussi, dont il est souvent question dans La Clef des Mondes et dans Le Roi Repenti. Alors, comme j’avais envie de rendre justice au vieux roi et à son petit-fils, qui reste mon personnage préféré à ce jour, je me suis replongée dans ce synopsis conçu il y a une quinzaine d’années.

Allan : N’est-ce pas trop difficile de replonger dans un univers que tu pensais avoir « achevé » ou avais-tu déjà en tête de poursuivre ?
Claire : C’est en fait le contraire : il est plus facile de rester chez soi que de partir à l’aveuglette. Cette facilité, je me la suis accordée cette fois, parce que j’avais besoin d’une transition entre l’univers complexe et mental de la Chronique Insulaire, et un autre projet que j’ai en cours. Je n’en avais pas terminé avec ces personnages, et ils me harcelaient un peu. Maintenant, c’est avec délices que je peux me tourner vers la création et défricher des terres que je ne connais pas encore…

Allan : Tu reprends donc les rênes de ton monde et nous plante le décor d’un pays torturé entre une reine trop malléable et un chevalier-roi droit et juste : en ce qui concerne Duncan, tu avais déjà son « profil » de par ton précédent cycle, mais était-il indispensable de le faire autant souffrir ?
Claire : Oh il ne souffre pas tant que ça. Comme tous les sanguins, il prend les choses à cŒur, c’est tout. Il fait ce qu’il a à faire, de toute manière. Quel que soit le roman, je tiens à montrer mes persos dans toute leur ampleur : ce sont des héros, mais ils ont un vécu, une histoire qui conditionne leur personnalité, leur caractère, leurs actes. Pourquoi Akhéris reculait-il face à son destin ? Pourquoi Heydrick, le Roi des Rois, utilise-t-il si mal le pouvoir des portes ? on peut inventer un archétype de héros de roman fantasy, mais si on ne l’étoffe pas, il reste un alibi, une coque vide. J’aime les mettre en situation et les laisser réagir comme tout un chacun. Parfois, ils ne font pas ce qu’on attend d’eux, mais qu’aurait-on fait, à leur place ? Dans « La chronique Insulaire », Duncan apparaissait sous la forme d’un spectre, d’une légende idéalisée. Ici, on a l’être vivant, l’homme, avec ses hauts et ses bas. Mais en règle générale, il s’en sort bien, en bon archétype arthurien. Pour qu’on comprenne mieux le personnage d’Akhéris (l’un des pions de l’Echiquier d’Einär ), il fallait qu’on en sache davantage sur sa jeunesse, et sur son modèle : son grand-père. Il fallait montrer que de son vivant, ce dernier n’était pas aussi parfait qu’il le croyait. Que tous le croyaient. Erreurs de jugement, esclave de sa sexualité et de ses émotions… Quels que soient mes personnages, bon ou mauvais (avec la gamme entre), j’aime qu’ils aient leur existence propre, qu’ils évoluent à mesure que l’histoire avance. C’est ce qui donne de la vie au récit, qui tient en haleine le lecteur. Il ne s’agit pas de faire souffrir, il s’agit de raconter 80 ans de la vie d’un homme qui, pour autant qu’il soit roi, n’en est pas moins un être humain, et que les deux sont indissociables.

Allan : Le monde que tu nous a créé est superbement décrit, je trouve ton style très « visuel » : pour avoir un tel rendu, t’es-tu basée sur des paysages que tu appréciais particulièrement ou as-tu tout sorti de ton imagination ?
Claire : Curieux, dans ce roman, il n’y a quasi pas de descriptions. J’ai voulu laisser le lecteur faire le travail, personnaliser sa vision des lieux, en ne lui donnant que quelques éléments de base : forêt, marais, désert, glacier… Apparemment, ça a fonctionné, par la mise en scène des événements qui s’y déroulent. L’île-continent est le premier univers que j’ai conçu. Très schématique, ce n’est qu’un décors qui me sert à monter mes intrigues, comme au théâtre : le Nord glacé d’inspiration scandinave, le Sud désertique et brûlant d’inspiration égyptienne et mésopotamienne, et, entre les deux, un centre tempéré et prospère d’inspiration moyen-âge occidental. Ainsi je réunissais plusieurs civilisations dont la « résonnance » me parlait, fantasyquement parlant. J’ai également sciemment schématisé les caractères en lice, comme au théâtre : j’ai supprimé le peuple, pourtant omniprésent, pour ne montrer que les « têtes » qui Œuvrent pour ou contre lui. Cela, je l’avais imaginé dès mes premiers textes. Ensuite, la conception de la Chronique Insulaire m’a permis de faire éclater les décors et de passer d’une dimension à l’autre sans utiliser ces schémas simplistes, pour imposer ma propre fantasy. Revenir sur Nopalep, l’île-continent m’a aidée à retrouver Duncan d’Irah et une trame plus classique, lui correspondant mieux.

Allan : Un point m’a semblé bizarre… Pourquoi avoir fait intervenir un homme de notre « univers » ?
Claire : Tu n’as pas lu « la chronique insulaire » (rire) ? Le pirate Tihi – Nicolas de Talmont – y avait déjà sa place, et les intrusions de notre réalité dans celles, multiples, de la Chronique, étaient présentes (concluant même la trilogie). Dans mon esprit, mes dimensions s’interpénètrent à l’infini, et la mienne, la nôtre, en fait partie. Que du bizarre entre dans notre réalité dans des romans fantastiques, c’est admis, pourquoi pas l’inverse dans un roman de fantasy ? ce n’est qu’une question de point de vue, littérairement parlant : un pirate français du 17e s. fait naufrage dans la réalité nopalepienne ? et alors ? du point de vue de Duncan, c’est du fantastique. De la fantasy fantastique (rire)… Moi, je déteste être cantonnée dans des cadres imposés (par qui d’ailleurs ?), et je ne vois pas ce qui m’interdirait de faire ce que je veux (rire), alors je le fais, car tout ce qui compte est la cohérence interne de mes récits. J’y parle des réalités, par de « la » réalité. Pas de prédominance, de la coéxistence.

Allan : Bon, étant donné la fin – et sans la dévoiler – j’ai du mal à imaginer ce que tu vas pouvoir nous apprendre concernant Duncan d’Irah… Tu peux nous en dire un peu plus ?
Claire : Je n’en dirai rien, sinon que Sang d’Irah s’achève sur la première scène de l’Echiquier d’Einär, avec l’arrivée de Duncan sur l’échiquier, et qu’il en sera de même pour Akhéris dans le second et dernier volet, L’Etendard en Lambeaux. « Sang d’Irah » parle de la famille d’Irah, pas seulement de Duncan : ses ascendants ont une part importante, comme sa descendance. Lui-même, une fois parti, garde un rôle prépondérant par le vide qu’il laisse. Nous avons tous connu cela, je crois. A force de s’appuyer sur une personne, quand elle disparaît tout part en quenouille… Jusqu’à ce que quelqu’un sorte du lot et la remplace, ce qui n’arrive pas souvent, à cause de l’ombre du fantôme.

Allan : As-tu déjà fini le deuxième volet (je triche, je sais qu’il est en cours de correction) et quand l’aurons nous entre les mains ?
Claire : J’y travaille, j’y travaille… Cela dépendra du planning déjà très chargé de mon éditeur, ainsi que de mon paufinage : le roman est quasi bouclé, mais certains passages coupés dans la version finale de Sang d’Irah m’obligent à le restructurer un peu. Et quand je commence, je n’en finis plus… De nombreuses pistes nouvelles concernant ce 2e volume se sont imposées à moi depuis les dernières relectures de Sang d’Irah (le tome 2 était fini), et le volume s’est remis à évoluer, à vivre. Je dois en tenir compte. Je suppose qu’il sortira courant 2006. Mais comme je viens de le dire, le roman est conçu pour s’enchaîner à la Chronique Insulaire qu’il éclaire sous un autre angle, aussi, en attendant… (clin d’Œil).

Allan : As-tu d’autres projets en cours ?
Claire : Des tas : du gaulois, du maya, du pulp, du fantastique, du polar, parfois le tout mélangé…

Allan : Nous as-tu rendu visite et si oui que penses-tu de notre travail
Claire : Oui, je connais ton site. J’y suis allée de temps en temps, mais je ne suis pas une grande surfeuse : le net ne me sert que pour les mails et msn/adium, et, de temps en temps, quelques forums où j’ai mes habitudes. Je sous-marine de temps en temps sur le vôtre, comme sur d’autres, mais je ne poste pas, d’une part parce que je déteste me cacher sous un pseudo et que je m’inscris quasi tout le temps sous mon identité, et d’autre part car cet état de fait me met dans une situation délicate sur un forum de discussion où l’on parle de bouquins de fantasy, de mon éditeur, et éventuellement de moi et de mes amis. Ce genre de site me permet généralement de recouper les fiches de lecture, pour me tenir au courant de ce qui est publié dans le genre qui me concerne, et que je n’ai pas le temps de lire (je ne lis pas de romans de fantasy quand je suis en écriture, pour ne pas « éponger » sans m’en rendre compte). Cela me permet, en recoupant les critiques entre les
sites et les forums, de me faire une idée. Et quand, le cas échéant, on parle de mon travail, d’avoir des remontées.

Allan : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Claire : Santé, idées, prospérité et un peu plus de volonté face aux exigences de mes personnages : je subis toutes sortes de putschs, en permanence…

Allan : Le mot
Claire : … que je préfère ? fabuleux.

 

_______________________________

FAERIES no 14, mai 2004

(entretien avec Chrystell Camus)

 

Nesti : Tu es très impliquée dans l'univers de la fantasy (Faeries, œil du Sphinx...), comment fais-tu pour écrire autant ?
Claire : J'ai le double avantage d'avoir un emploi qui me permet d'écrire, et un tempérament lunatique m'offrant des périodes pendant lesquelles je décroche complètement de la vie quotidienne pour me plonger dans des univers qui me sont proches et dans lesquels, disons, je me sens plus à l'aise, chez moi. Autrement dit, j'utilise l'écriture pour m'en aller voir ailleurs. Le besoin d'évasion s'alliant à merveille avec un imaginaire quelque peu débridé, j' écris beaucoup, ce qui nécessite un tri vigilant.
Par ailleurs, quand un sujet m'intéresse il occupe tout mon esprit pendant quelques semaines, et j' ai besoin de l'explorer. J'aime bien farfouiller, creuser, me faire une idée aussi précise et exacte que possible du sujet et de ce qui a été écrit dessus. Une façon pour me faire ma propre idée après, et éventuellement pour l'inclure dans mon univers perso. Je suis comme une encyclopédie ambulante pendant tout le temps durant lequel le sujet me passionne, puis je passe à autre chose ce qui nécessite un " archivage " de mes notes.
C'est pourquoi je ne suis spécialiste de rien (sinon de mes propres créations) mais amateur de beaucoup de choses, au sens noble du terme. Chaque sujet qui me passionne sur le coup fait germer des idées ou des images qui me serviront plus ou moins consciemment, plus tard, dans un récit. Toute la journée j'accumule des images ou des débuts de phrases qui me trottent dans la tête, nées d'une association d'idée qui souvent n'avait rien à voir.
Nesti : Tu as mis longtemps pour écrire l'Échiquier d'Einär ?
Claire : Un peu plus d'un an. Mais à l'époque j'écrivais de façon quasi continue, trois ou quatre heures par nuit tous les soirs, reprenant pile-poil là où je m'étais arrêtée la veille. C'était assez fluide et je baignais dans mon récit. Ensuite, il a fallu faire pas mal de coupes, et surtout choisir ce qui n'intéressait que moi et ce qui était essentiel pour partager mon récit avec d'autres ! Désormais, je travaille plus lentement, je fais plus attention à ce que je raconte, pour ne pas me perdre dans mes propres univers au risque d'égarer le lecteur avec ! (rire) Je veux dire qu'écrire pour moi seule, comme ce fut le cas pour l' Echiquier, c'est une démarche tout à fait différente que de savoir que, désormais, j'écris aussi pour que d'autres me lisent.

Nesti : Le deuxième volume, c'est pour bientôt ?
Claire : Le second volet s'intitule " La Clef des Mondes ", et devrait sortir avant l'été.
Nesti : Combien y aura-t-il de volumes à La chronique Insulaire ?
Claire : Trois, je pense. Le dernier tome s'intitulera " Sang d'Irah ", et reviendra en détail sur l'histoire de Duncan d'Irah et d'Akhéris, et sur les Trolls Lycanthropes dont il est un peu fait allusion dans les deux premiers volumes. Ensuite, je voudrais passer dans un mode plus " fantastique ", sans m'interdire, de temps en temps, d'écrire d'autres chroniques insulaires. Il est toujours bon de se ressourcer.
Nesti : Retrouvera-t-on des personnages que l'on avait rencontrés dans le premier volume ?
Claire : Évidemment, tous ceux qui appartiennent à la Plaine du Dragon sont omniprésents, et ne se gênent pas pour donner leur avis, notamment Duncan d' Irah. Le dieu Wilfredion et le dragon Bromatofiel sont partie prenante dans l'histoire, ainsi que d'autres personnages évoqués dans le " prologue " (c'est ainsi que je conçois l'Échiquier d'Einär), tels que Iwàn, Jehor etc.
Le récit se partage entre les différentes dimensions issues de la Scission des Mondes opérée à la fin du premier tome : le monde mental propre aux dieux et à la Mémoire reste essentiel, mais le Vieux Monde elfique et le Monde d'En-Bas (celui des Hommes) impliquent toutes sortes de nouveaux personnages poussés par d'autres préoccupations que les seuls plans divins.

Nesti : Tes univers sont grandioses, sans limites, avais-tu déjà tout ton monde en tête quand tu as écrit l'Échiquier d'Einär ?
Claire : Comme beaucoup l'ont remarqué, l'Échiquier est émaillé d'allusions au passé des personnages. Je ne peux pas concevoir des histoires où les héros - bons ou mauvais - sont de simples alibis, des stéréotypes. Je déteste lire ce genre de bouquin creux. C'est pourquoi chacun de mes personnages (et lieu) possédait déjà sa propre histoire avant la rédaction de l'Échiquier. Ça leur donne une dimension " humaine ", avec les forces et les faiblesses de tout un chacun, et des raisons pour chacune d'elles. Ils sont différents les uns des autres, car leur histoire l'est.
Je ne peux pas tout dire sur tous dans un seul roman, mais le fait de les avoir en tête, comme s'ils avaient réellement vécu avant d'entrer en scène, me permet de titiller l'intérêt des lecteurs sur d'autres personnages que le seul " héros " principal que l'on retrouve généralement dans les romans de fantasy.
L'idée est que chaque pion, sur l'échiquier, est important, même s'il semble n'être qu'un second rôle. Vous seriez étonnés d'apprendre combien de gens ont voulu en savoir davantage sur Illwë, ou sur Tihi, qui n'ont qu'un " petit " rôle dans le récit.
De même, j'aime que chaque lecteur puisse choisir son personnage préféré, son héros. Pour l'Échiquier, il y a les supporters de Razavel, ceux d'Akhéris, les amateurs de dragons, les fans d'Einär, les inconditionnels du faune Modar ou de Duncan d'Irah. Si le lecteur peut aller au-delà de l'histoire de surface, et laisser vagabonder son imagination au gré des pistes que je lui propose dans les notes, sur les cartes, dans les descriptions, dans les évocations, j'aurai gagné, et réellement créé la Chronique Insulaire.

Nesti : Que lis-tu ? Quels sont tes auteurs préférés ?
Claire : Je lis peu de romans, principalement parce que j'ai toujours peur qu'il y ait confusion involontaire entre ce que je suis en train de lire et ce que je suis en train d'écrire, par " imprégnation ". Par contre, je suis une grande admiratrice de Tolkien, et je reste fascinée par l'élaboration de son univers. J'ai pris mon pied en lisant et en relisant ses œuvres, mais ce qui m'intéresse le plus, c'est sa démarche créatrice. J'ai beaucoup lu Lieber, Burroughs, Farmer, Herbert, Poe, Moorcock, LeGuin, Tanith Lee etc.
Le dernier auteur de fantasy qui m'a intéressée était Feist. En règle générale, j'aime que la fantasy SOIT de la fantasy, c'est-à-dire qu'il y ait création d'un univers, et non la récupération des décors de Tolkien (par exemple) ou du pseudo médiéval-fantastique sans originalité dans le fond.
Faire se balader un groupe de héros dans un paysage type, avec une mission ne servant que de prétexte à des aventures, ça ne m'intéresse pas. Ça peut être plaisant sur le coup, mais dès que le livre est fini, on l'oublie, non ?
Comme je le dis plus haut, j'aime bien pouvoir me promener encore un peu en allant au-delà du livre proprement dit : un roman, c'est une clef sur un autre monde, normalement, non ?
Par contre, je suis souvent fourrée dans l'Edda de Snori Sturluson, et dans les traductions des grandes sagas scandinaves par Régis Boyer. J'aime aussi me promener dans des bouquins comme le dictionnaire des lieux imaginaires de Manguel et Guadalupi etc.
Nesti : Écris-tu des nouvelles ?
Claire : J'en ai écrit, pour le fandom, mais j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les nouvellistes, car c'est un genre très difficile. Moi, j'ai besoin d'espace, en écriture. Je suis trop bavarde pour écrire de bonnes nouvelles (rire) ou même des histoires courtes. Si je m'amuse de temps en temps à cet exercice, c'est pratiquement toujours avec un fond de fantastique, comme la nouvelle publiée cet été par la revue quebecoise SOLARIS.